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Obtenir un trophée, et après ?

07.06.2013

Le palmarès 2012 du GPHG est maintenant connu. Mais quelles conséquences le fait de l'obtenir a-t-il pour une marque ? Nous avons posé la question à deux membres du jury.



Nombreux sont les secteurs d'activité à récompenser les meilleurs de leurs membres en leur décernant une récompense, un trophée, tel l'oscar pour un film. Plutôt que de simplement couronner une montre, le GPHG propose en fait aux marques une tribune pour exposer l'état de leur art horloger. Pour Aurel Bacs, responsable international du secteur Montres chez Christie's et faisant partie du jury de ce prix, "ce concours incite les marques à se développer, à repousser les frontières et à défricher de nouveaux territoires. Bien sûr, les gagnants remportent au passage le droit d'utiliser le logo du Grand Prix dans leurs publicités. Et de même qu'obtenir un oscar dope les entrées en salle, les marques comptent sur le fait qu'afficher cette récompense fera progresser leurs ventes. Même s'il n'existe aucune étude officielle sur le sujet, Elizabeth Doerr, journaliste spécialisée dans les montres et également membre du jury, a demandé leur avis aux marques et aux revendeurs. Tous estiment que cela fait la différence : si un client se présente sans opinion tranchée sur le modèle et la marque à s'offrir, une récompense pourra lui apparaître comme une garantie de qualité.

Gagner un prix lors des GPHG fait donc progresser les ventes auprès d'une clientèle désirant acheter une montre couronnée par un prix renommé. Mais obtenir ce prix peut aussi servir à autre chose, de peut-être plus important. Aurel Bacs estime que cela montre à des marques moins connues que le jury croit en elles, qu'elles doivent oser continuer à tracer leur propre sillon. "Souvent, au cours de l'histoire, certains inventeurs, certains ingénieurs étaient en avance sur leur temps. Et parfois, ils n'ont pas vu leurs efforts couronnés de succès, juste pour avoir eu raison trop tôt. En leur montrant le respect qu'ils nous inspirent, nous espérons qu'ils n'abandonneront pas leurs rêves pour rejoindre la tendance. Il faut qu'ils le prennent comme une véritable incitation à aller de l'avant." Avant d'acheter un garde-temps, la plupart des gens veulent savoir s'il va gagner en valeur à l'avenir. Est-ce qu'une montre séduira plus les collectionneurs si elle a remporté un prix lors du GPHG ? "Si l'on en croit F.P.Journe, cela influe beaucoup, souligne Elizabeth Doerr, en riant. Et qui sait dans quelle mesure les nombreuses récompenses obtenues durant ses premières années d'existence n'ont pas aidé sa jeune marque à atteindre une telle renommée auprès des collectionneurs ?" Cette journaliste spécialisée souligne toutefois que d'autres gagnants de l'Aiguille d'or, comme Lange ou Laurent Ferrier, attiraient déjà les collectionneurs avant même leur victoire. "Pour ma part, je ne pense pas que cela ait nécessairement une influence. Les montres et les marques en soi sont ce qui les rend intéressantes à collectionner." Aurel Bacs estime, quant à lui, qu'une récompense constitue un excellent support marketing pour présenter au monde entier, via les médias, ce qui se fait de meilleur, aux yeux non seulement d'un jury de professionnels, mais aussi du public, puisqu'il existe également un prix attribué en fonction des votes du public.

Quelle que soit la compétition, les juges appliquent certains critères aux concurrents : qualité, innovation, design, complication, quand il s'agit de montres... "Une montre traditionnelle extrêmement bien faite, sans complication, peut très bien rivaliser à mes yeux, d'un point de vue tant rationnel qu'émotionnel, avec une montre au design ultra-futuriste apportant des idées ou des technologies nouvelles, des matériaux nouveaux, qui pourraient n'avoir jamais été utilisés à grande échelle jusque-là, mais pourraient inspirer l'ensemble de l'industrie horlogère et l'aider à se projeter vers le futur", estime Aurel Bacs.

Elizabeth Doerr prend pour sa part en compte l'originalité, la qualité, le côté unique des caractéristiques et, bien sûr, les fonctionnalités. "La montre doit fonctionner, rappelle-t-elle, or, durant la semaine du vote, j'ai remarqué trois montres qui ne fonctionnaient pas correctement." Elle souligne également un autre point essentiel : parfois, les marques ne font pas attention à la catégorie choisie pour concourir. Pour être appréciée, la montre doit bien correspondre aux critères de celle-ci. "Je suis certaine que quelques montres n'ont pas été présélectionnées cette année tout simplement parce qu'elles se trouvaient dans la mauvaise catégorie."

Malgré la qualité des participants, tout le monde ne peut pas l'emporter. Même parmi les juges, les opinions varient sur le choix de la "meilleure" montre et ce qui la rend si intéressante. Quand on lui demande si, ces dernières années, une montre aurait, selon elle, dû être reconnue, mais ne l'a pas été, Elizabeth Doerr confirme : "Bien sûr, je ressens cela chaque année ! Je doute qu'il n'y ait pas un seul amateur de montres au monde qui n'ait pas ressenti cela." Mais elle souligne avoir été tout particulièrement en accord avec la décision d'accorder l'Aiguille d'or, le premier prix, à la Lange Zeitwerk. À ses yeux, aucune autre montre n'était plus innovante à ce moment-là. Aurel Bacs se souvient, quant à lui, de montres et de fabricants des décennies et des siècles passés n'ayant jamais été récompensés par le Grand Prix pour la simple et bonne raison que ce prix n'existait pas avant 2001 : "Nous leur devons tant pour avoir bâti les fondations de bien des marques, modèles et technologies aujourd'hui couronnés de succès."